Recherche universitaire : motivations pour le choix d’une MOC

par | 1 Fév 2023 | MOC, publication scientifique

FOCUS Fertilité soutient et promeut les recherches universitaires et scientifiques autour des MOC et inaugure aujourd’hui une nouvelle catégorie d’articles, avec le sujet des motivations pour le choix d’une MOC. Cet article est un résumé du mémoire de fin d’études en maïeutique d’Aude Jamin, sage-femme et également instructrice FertilityCare.

Introduction

Les motivations pour le choix d’une MOC ou des méthodes naturelles de régulation des naissances s’établissent dans un contexte sociétal de médiatisation autour des effets secondaires de la pilule et des perturbateurs endocriniens et d’une volonté de « retour au naturel » sur un argumentaire écologique. Par ailleurs, les campagnes préventives autour de la santé sexuelle incitent les femmes à prendre conscience du rôle actif qu’elles ont à jouer dans la maîtrise de leur fertilité. Il existe peu de données dans la littérature scientifique sur les motivations des utilisateurs des méthodes d’observation du cycle. Face à ce constat et aidée par ma directrice de mémoire, Marion Vallet, nous avons décidé de nous intéresser à cette thématique en 2018 pour mon travail de fin d’étude.

Méthodologie

La question centrale était : quels sont les arguments qui sous-tendent aujourd’hui le choix des femmes et des couples pour les méthodes d’observation du cycle ? Deux études ont été réalisées sur les années 2017-2018. La première étude était quantitative. Elle a été effectuée après de femmes majeures de nationalité française, en âge de procréer, utilisant une méthode d’observation du cycle. Nous avons diffusé ce questionnaire en ligne sur deux groupes Facebook : « Méthodes naturelles » et « Symptothermie » du 06 au 30 mai 2017. Cette étude nous a permis de recueillir l’avis d’un millier d’utilisatrices. C’est la première étude française ayant rassemblé autant d’avis d’utilisatrices de ces méthodes.

Afin de répondre au mieux à la problématique, nous avons fait le choix de mener dans un deuxième temps des entretiens semi-directifs auprès de couples utilisateurs des méthodes naturelles depuis plus de 6 mois. La sélection des couples s’est faite par une annonce postée sur les deux groupes Facebook : « Symptothermie » et « Méthodes naturelles ». 34 couples ont ainsi pris contact. Le choix des participants a été mené dans un souci d’explorer la diversité des couples ayant recours à ces méthodes. Il a donc été fait en fonction de leurs catégories socio-professionnelles, leurs âges, la méthode utilisée et la durée d’utilisation, afin d’obtenir un corpus relativement homogène. Pour que l’analyse soit la plus objective possible, les femmes appartenant à nos connaissances ont systématiquement été exclues pour ne pas biaiser les résultats de l’étude. Le but de cette étude était d’approfondir la relation subjective qu’ils entretenaient avec ces méthodes. Ces deux études nous ont permis de mettre en évidence que les motivations de ces femmes et de ces couples pour les méthodes naturelles étaient variées et s’inscrivaient dans les courants de pensées de la société actuelle que nous venons de souligner.

Résultats

La quasi-totalité des utilisateurs interrogés (99%) désiraient pratiquer ces méthodes afin d’être en cohérence avec des préoccupations d’ordre écologique qui sont le respect du corps, de sa fertilité et de l’environnement et le refus de prendre des hormones. « On apprend à retrouver notre corps, comme il est censé être, naturel, sans hormone synthétique » (Julia). Les femmes et les hommes utilisant ces méthodes ont aussi le désir d’apprendre, pour 98 % d’entre eux, à connaître la physiologie de leur corps et de leur fertilité. «Je trouve ça absolument merveilleux de comprendre comment je fonctionne. De voir jour après jour, mon cycle qui se déroule, ma fécondité qui s’exprime et puis petit à petit, qui va commencer à s’éloigner pour arriver à la ménopause » ( Agathe). Devenant « experts » de leur fertilité, 95 % d’entre eux ont exprimés une volonté de vouloir gérer leur fertilité de manière autonome, s’opposant ainsi à la norme sociétale de la médicalisation de la fertilité. En choisissant de se réapproprier leurs corps, ces couples souhaitent réaliser une démarche anthropologique à la recherche de la connaissance de soi et de l’autre. « Je me sens très libre parce que je ne dépends de rien d’extérieur, d’aucun médicament, d’aucun implant […] c’est une vraie liberté d’être vraiment maître de notre fertilité » (Marie).
Par ailleurs, l’observation quotidienne de sa fertilité permet une meilleure compréhension de la physiologie féminine et peut permettre ainsi de détecter des problèmes de santé précocement. Pour les utilisateurs, cette connaissance du corps et de la fertilité permet une responsabilisation face à sa santé reproductive et sexuelle et leur permet ainsi de prendre en charge leur santé. « C’est un choix pour ma santé » disait Manon ! Ce bénéfice exprimé par de nombreux utilisateurs dans nos études devient alors une motivation secondaire pour maintenir leur choix pour les méthodes naturelles. Une des motivations principales des femmes et des hommes que nous avons mis en évidence dans ce travail est l’implication des deux membres du couple dans ces méthodes. Il est ainsi nécessaire que les conjoints adhèrent ensemble à cette démarche. Comme l’ont démontré aussi d’autres études, elles peuvent permettre de développer la communication au sein du couple sur la fertilité et la sexualité (95 % des utilisatrices l’ont exprimé dans notre étude). Cette implication de l’homme et de la femme dans ces méthodes permet alors de partager la responsabilité de la régulation des naissances et de fait la femme ne porte pas exclusivement la responsabilité de maîtriser sa fertilité au sein du couple. « C’est vraiment être à deux sur ce projet, c’est pas la femme qui porte toute seule la responsabilité d’avoir un enfant ou pas […] c’est vraiment une richesse pour le couple » (Cécile). Cette motivation n’avait pas été exprimée dans nos hypothèses, mais est prise en compte par les utilisateurs dans leur choix pour ces méthodes.
Des motivations religieuses ont été exprimées par des femmes et des hommes (71 % d’entre eux), à de nombreuses reprises et particulièrement chez les pratiquants, mais elles sont davantage considérées par eux comme faisant partie de la sphère privée. Ils ont souvent eu connaissance de l’existence des méthodes naturelles par le biais de la religion, mais font ce choix suite à un cheminement personnel et non par obligation religieuse : « C’est la façon dont on voulait vivre notre fécondité et notre sexualité, et de fait, ça nous porte aussi de savoir qu’on est en accord avec le message de l’Eglise » (Pierre). La plupart se représentent ces méthodes comme une voie d’émancipation féminine : en se réappropriant leurs corps, elles reviennent à l’essence de ce que peut représenter une femme. Ainsi, elles fortifient leur identité et valorisent leurs capacités et qualités féminines, tout en réaffirmant leur capacité d’agir. Les femmes parlent de « liberté d’être maître de notre fertilité », de « liberté de bien se connaître ».

Conclusion


Ce travail sur le choix et les représentations des méthodes naturelles par ses utilisateurs a permis de mettre en évidence que ce choix va au-delà de trouver un simple moyen d’éviter ou de favoriser une grossesse. Il s’apparente à une véritable démarche éthique que réalisent ces utilisateurs : ces méthodes sont compatibles avec leurs valeurs philosophiques, anthropologiques, éthiques, religieuses ou écologiques. Et ils ne trouvent ainsi pas de réponse à leur idéal dans les contraceptions hormonales ou mécaniques. A nous, en tant que professionnels de santé, de les accompagner au mieux dans ce choix qu’ils font.

Aude Jamin, sage-femme DE

Instructrice pour la méthode FertilityCare

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Image d’illustration : Photo de Priscilla Du Preez sur Unsplash