Empowerment de la femme : la puissance de la fertilité

par | 19 Déc 2021 | Autonomie gynécologique, Puissance de la fertilité

Marion Vallet est sage-femme, installée en libéral, monitrice de la Méthode de l’Ovulation Billings (WOOMB) et fondatrice de l’Institut de Formation à la Fertilité. Dans cet article, elle nous parle de « l’empowerment » de la femme et du pouvoir que peuvent donner aux femmes la connaissance de leur cycle et de leur fertilité.

Depuis une dizaine d’années, la France est retournée à l’accouchement physiologique grâce à des personnalités telles que Bernadette de Gasquet, Michel Odent, Isabelle Brabant et bien d’autres. Ces professionnels ont sillonné le pays pour transmettre leur savoir et former les équipes médicales. Les maternités ont considérablement fait évoluer leurs pratiques autour de l’accouchement à l’aide de la mécanique obstétricale notamment mais aussi et surtout en se mettant à l’écoute des besoins des femmes, des couples et des enfants, limitant ainsi la systématisation du travail et de l’accouchement. En témoigne la mise à jour des recommandations de bonnes pratiques (RBP) éditées par la Haute Autorité de Santé autour de l’accouchement physiologique en 2018.

« Empowerment » de la femme et fertilité ? Quel rapport ?

L’empowerment se définit comme l’autonomisation d’un individu, sa capacité à agir de manière autonome. La gestion de la fertilité des femmes, des couples est devenue, depuis l’avènement de la contraception médicale (1967), une affaire de professionnels de santé. La majorité des femmes françaises ont besoin d’une ordonnance ou d’un acte médical pour maîtriser leur fertilité, réguler les naissances. Elles ont besoin de nous !

Nous sommes donc revenus à la grossesse et à l’accouchement physiologique. Mais qu’en est-il du cycle menstruel physiologique ? Et si les femmes avaient aussi le désir de reprendre le contrôle de leur fertilité ? Je suis frappée tous les jours de rencontrer en consultation des femmes qui se posent des questions sur leurs cycles : leurs longueurs, leurs irrégularités parfois, sur les saignements qu’elles ne décodent pas toujours, sur les douleurs de règles bien souvent banalisées et sur le normal et le pathologique. Jeune sage-femme je m’étais sentie vraiment mal à l’aise avec ces questions et j’avais éprouvé un sentiment étrange et angoissant de n’avoir pas tout appris sur cette physiologie si particulière et si complexe de la femme. Comme si on m’avait appris la pathologie gynécologique sans m’en avoir donné les clefs de lecture par l’apprentissage de la physiologie. Ne sommes nous pas celles et ceux qui doivent adresser quand cette frontière du « normal » est franchie ? Comment donc adresser au médecin si nous ne connaissons même pas avec précision la physiologie ? Et après ce constat, comment aider et accompagner les femmes dans leurs questionnements si nous-mêmes, sages-femmes professionnelles de la physiologie de la femme, nous ne savons pas leur répondre avec précisions.

La période des tabous n’est pas encore révolue.

N’y a t il pas aussi des tabous médicaux, des idées reçus sur le sujet des règles, du cycle, de l’ovulation, des « méthodes naturelles » ? Sommes-nous restés bloqués dans les années 1930 sur la découverte du docteur Ogino ? Il est grand temps de faire évoluer nos pratiques pour passer d’une gynécologie Ogino à une gynécologie centrée sur la femme, sur sa singularité. Cela fait bien longtemps que nous avons compris qu’un cycle ne fait pas forcément 28 jours et que la femme n’ovule pas forcément au 14ème ! Oui les femmes ne sont pas des robots ! Mais alors comment « fonctionnent-elles » vraiment ? Et pourquoi en cas d’hypofertilité, continuer à prescrire des bilans sanguins à J21 ou encore faire une échographie pour monitorer l’ovulation au jour 14 ou prescrire de la progestérone pour soutenir une phase lutéale entre J16 et J25Toutes ces questions que la jeune sage-femme que j’étais n’arrivait pas à résoudre jusqu’à ce que je commence à me former pour découvrir ma propre physiologie. J’ai pu expérimenter mon propre empowerment, me sentir femme, me sentir libre, en ayant la connaissance des différentes phases de mon cycle et ainsi, pouvoir faire coïncider mes projets de couple et de famille grâce à cette connaissance. Je me suis plongée dans la littérature des publications médicales sur ce sujet et j’ai découvert que bon nombre de scientifiques ont travaillé la question et cela n’est pas récent !

Bref historique 

D’abord, les scientifiques Kyusaku Ogino et Herman Knaus ont découvert de manière indépendante que l’ovulation avait lieu en moyenne quatorze jours avant le premier jour des règles. Découverte du siècle sur la fertilité qui a permis de mieux comprendre le cycle ! À partir de cette information, en 1932, un gynécologue-obstétricien le Dr Leo Latz a publié l’ouvrage : Rythme d’infertilité et de fertilité chez les femmes, qui décrit les formules qu’une femme pourrait utiliser pour prédire la période de fécondité de son cycle en fonction de ses cycles précédents. Cette méthode basée sur le calendrier était l’une des méthodes les plus efficaces de planification familiale disponibles au moment où elle a été développée dans les années 1930 – il y a presque cent ans !  Dans les années 50, d’importantes découvertes scientifiques fondamentales sont faites sur le rôle essentiel de la glaire cervicale (mucus cervical) dans la santé reproductive. Ensuite, en 1964, le docteur Billings en Australie découvre le rôle de la glaire cervicale dans la fertilité et réalise une étude auprès de nombreuses femmes. Par la suite, le docteur Erik Odeblad identifie et décrit les différents types de glaire cervicale de type E et de type G, qui sont produits sous l’influence de l’estradiol et de la progestérone. Il cartographie leur lieu de sécrétion dans le col de l’utérus. Ces importantes découvertes ont fixé les bases du développement des méthodes modernes de planification familiale naturelle (NFP) qui reposent principalement sur les observations de glaire cervicale. Ce vaste corpus de preuves et de connaissances a continué à se développer au XXIe siècle grâce à des recherches approfondies sur les différentes méthodes d’observation du cycle (encore appelées en France : « méthodes naturelles »). Mais pourquoi n’en avons nous jamais entendu parler lors de nos études ?

Alors connaître sa fertilité ? Pourquoi ? Comment ?

Pourquoi ?

Reprendre le pouvoir sur son cycle, peut avoir plusieurs objectifs bien distincts : éviter ou différer une grossesse, concevoir et connaître sa fertilité et sa santé génésique. En somme, pas cette connaissance, la femme devient une experte de sa fertilité et acquiert une certaine autonomie qui la rend libre vis-à-vis du soignant. Libre ne signifie pas que la femme quitte alors la relation de soin. Plus exactement, la femme va devenir un véritable partenaire dans son suivi gynécologique et pourra même anticiper une prise en charge par l’observation attentive de son cycle. Ainsi l’observation du cycle devient un outil de santé publique ! 

Comment ? 

Connaître sa fertilité nécessite une véritable formation auprès de personnes accréditées. Le paradoxe est que ni les sages-femmes (ni les médecins d’ailleurs) ne sont bien formés à cela. J’ai moi même reçu cet enseignement de la part de personnes ne connaissant rien à la médecine. Nous n’avons pas appris les biomarqueurs de la fertilité et n’envisageons le cycle de la femme qu’au travers des menstruations. Un cycle se définit du premier jour des règles au premier jour des suivantes. D’ailleurs la variabilité des cycles est décrite avec la racine : -ménorrhée (spanio-, oligo-, poly-, dys-, algo- …). Pourtant l’événement du cycle n’est pas les menstruations mais bien la phase fertile et l’ovulation ! Sans ovulation, pas de règles mais des saignements. Quels sont ces biomarqueurs que la femme va apprendre à reconnaître ? La glaire cervicale et la sensation qu’elle provoque à la vulve, la température basale du corps qui va subir une évolution au cours du cycle, la position du col qui varie en fonction des phases du cycle et d’autres biomarqueurs secondaires que la femme peut repérer. D’après une étude de 1981 de l’OMS, 99,1% des femmes des pays en voie de développement sont capable d’observer leurs signes de fertilité au cours du premier cycle suivant l’enseignement.

Rigueur et accompagnement

Observer sa fertilité nécessite une grande rigueur de la femme. Rigueur dans l’observation au quotidien des biomarqueurs de la fertilité. Rigueur également dans la tenue d’un tableau que la femme va remplir jour après jour et qui va lui permettre de se situer dans son cycle. Rigueur enfin car elle sera accompagnée dans l’analyse des premiers tableaux par la personne qui l’a formée jusqu’à ce qu’elle soit autonome. Alors après cet apprentissage, réguler les naissances sans hormones, c’est possible ? C’est fiable ? On entend régulièrement que non. Le manuel destiné aux internes en médecins comporte trois lignes sur ce sujet traitant la planification familiale naturelle de façon très négative. Aujourd’hui en France, ce sont des associations qui enseignent les différentes méthodes d’observation du cycle car les professionnels de santé n’y sont pas formés. Pourtant, de plus en plus de femmes se tournent vers ces méthodes, vers du naturel, du sans hormones et nous, professionnels de santé au contact des femmes, nous devons mieux les connaître pour les présenter et pour suivre les femmes qui font ce choix.

Marion VALLET, sage-femme.

Article initialement publié dans La Lettre#119 de l’ANSFL – Hiver 2018.

Mis à jour pour FocusFERTILITE – décembre 2021

Image d’illustration : Photo by Sebastian Voortman from Pexels.