Nous continuons notre série Pourquoi le cycle est indispensable aux femmes avec ce troisième article issu du site de l’association américaine Natural Womanhood, naturalwomanhood.org en exclusivité et avec leur permission. Pourquoi le cycle menstruel est indispensable aux femmes : son rôle dans la santé cardiovasculaire
Nous sommes heureux de vous retrouver pour ce troisième épisode de notre série « Pourquoi le cycle menstruel est indispensable aux femmes ». Cette série étudie de façon approfondie quelques unes des raisons pour lesquelles le cycle ovulatoire est nécessaire à une santé optimale de la femme. Cette semaine, nous étudions les liens entre le cycle et la santé cardiovasculaire.
Les deux hormones sexuelles principales de la femme sont les œstrogènes et la progestérone. Les œstrogènes et la progestérone ont des actions antagonistes et fluctuent en sens opposé. Elles sont comme les deux protagonistes d’une aventure ; les caractéristiques de chaque hormone contrebalancent celles de l’autre. Nous voyons les conséquences de cet équilibre délicat sur la santé de notre tissu osseux, sur la stabilisation de notre humeur, et même sur notre libido. Nous constatons aussi cet impact sur notre santé cardiovasculaire : des études récentes ont trouvé un lien entre le fonctionnement du cœur et les fluctuations naturelles de nos hormones endogènes, œstrogènes et progestérone. Puisque les maladies cardiovasculaires représentent une des principales causes de mortalité pour les femmes en ménopause, il est crucial de comprendre pourquoi et comment les Méthodes d’Observation du Cycle (MOC, en anglais FABMs) peuvent être utiles pour la santé des femmes.
La phase du cycle ovulatoire où dominent les œstrogènes est souvent comparée au printemps et à l’été : la libido est élevée, l’endomètre prolifère et se développe, les cellules cérébrales sont stimulées, et la masse osseuse augmente. Puis survient la phase du cycle où la progestérone domine ; cette phase est souvent comparée à l’automne et à l’hiver : la libido diminue, l’humeur est stabilisée, l’endomètre est en phase de maintien, et les cellules cérébrales s’équilibrent et se réparent, tout comme la masse osseuse.
Puisque ces hormones ont un effet sur notre cerveau, notre tissu osseux, notre libido et notre humeur, il est logique que notre cœur, lui aussi, soit affecté par elles.
Notre appareil cardiovasculaire aime nos hormones (particulièrement les œstrogènes et la progestérone)
Des études récentes montrent que la fréquence cardiaque de repos suit des tendances distinctes selon les phases du cycle menstruel. La fréquence cardiaque de repos est plus lente lors des phases menstruelle et folliculaire (pendant la première moitié du cycle, lorsque les oestrogènes dominent), alors qu’elle est significativement plus rapide lors des phases ovulatoire et lutéale (pendant la seconde moitié du cycle, lorsque la progestérone domine).
Nous savons aussi que les œstrogènes ont un effet préventif sur la calcification des artères coronaires (CAC). La CAC peut entraîner un rétrécissement du diamètre des vaisseaux et mener au développement de maladies cardiovasculaires, mais les œstrogènes aident à prevenir l’accumulation de calcium dans les artères. Par ailleurs, les œstrogènes ont une influence positive sur la réserve contractile myocardique, qui donne au cœur la capacité de pomper plus fort si nécessaire, et de se reposer plus efficacement en dehors des périodes d’effort.
La progestérone, elle aussi, joue un rôle important dans la santé cardiovasculaire : elle diminue la pression artérielle via une activité de vasodilatation et diminue la réponse des vaisseaux à l’angiotensine-II. Euh, la réponse des vaisseaux à quoi ? L’angiotensine-II est un vasoconstricteur qui augmente la pression artérielle, et la progestérone aide à modérer cette action. Vous voyez ? Des rôles opposés mais complémentaires.
Lorsqu’on combine ces effets des œstrogènes et de la progestérone sur le fonctionnement cardiovasculaire avec les résultats d’autres études qui relient certains facteurs gynécologiques et incidence de l’insuffisance cardiaque, l’importance des effets cycliques de ces hormones pour une santé cardiaque optimale devient encore plus claire. Dans une étude de 2017, des chercheurs ont mis en évidence qu’une « période reproductive totale plus courte était associée à un risque plus élevé d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque globale incidente chez les femmes ménopausées » .
Plus d’études sont nécessaires pour déterminer le rôle exact de l’exposition aux œstrogènes et à la progestérone endogènes (c’est à dire naturellement présents), mais ces résultats semblent indiquer qu’une plus longue période de cycles ovulatoires fonctionnels pourrait diminuer le risque de développer une pathologie cardiovasculaire et/ou de présenter un problème cardiovasculaire aigu à un âge plus avancé : selon cette étude, « au total, 1494 femmes (5,2%) avaient été hospitalisées pour insuffisance cardiaque globale incidente avérée ; de plus, les femmes qui avaient été exposées à moins de cycles menstruels présentaient un risque augmenté d’insuffisance cardiaque incidente à 1 an ».
Votre cœur sous contraceptifs
Cependant, la période reproductive ne se mesure pas seulement en unité de temps. C’est ce qui se passe vraiment lors des cycles menstruels, pendant les premières années de fonctionnement de l’appareil reproducteur, qui importe le plus.
Alors, qu’est-ce qui devrait avoir lieu lors de ces premières années de fertilité ? Eh bien, idéalement, une jeune femme devrait ovuler et avoir ses règles de manière régulière, ce qui est un signe de bonne santé. Mais si une femme prend un contraceptif hormonal, elle n’ovule pas ; son cycle est arrêté ou altéré. Cela, par définition, signifie une diminution de la période de fertilité potentielle. Bien que la durée soit la même que sans contraceptif, la période reproductive de cette jeune femme est raccourcie parce qu’il n’y a pas d’exposition aux cycles biologiques – les fluctuations des œstrogènes et de la progestérone naturels.
Lorsqu’une femme prend un contraceptif hormonal, au lieu qu’elle ovule et qu’elle connaisse les effets cycliques de ses hormones sexuelles naturelles, elle voit son cycle menstruel supprimé ; alors son appareil cardiovasculaire ne bénéfice plus de cet équilibre délicat. Vous vous demandez si les hormones de synthèse (éthinyl-estradiol et progestatifs de synthèse) contenues dans les contraceptifs hormonaux ont les mêmes effets bénéfiques ? La réponse est, malheureusement, « non ».
Il est généralement connu que les fumeuses et les femmes âgées de plus de 35 ans ne sont pas de bonnes candidates à la prise de contraceptifs hormonaux. Mais les femmes présentant une hypertension artérielle, un diabète ou une hypercholestérolémie ont aussi un risque augmenté de développer une pathologie des artères coronaires (les artères alimentant le muscle cardiaque), ce qui fait des contraceptifs hormonaux un mode de contraception plus risqué pour cette population. La prise de contraceptifs hormonaux en elle-même a été reliée à un risque augmenté pour la formation de caillots sanguins, et pour les pathologies cardiovasculaires qui leur sont associées comme l’accident vasculaire cérébral (AVC) et l’infarctus du myocarde. Un risque plus élevé d’hypertension artérielle, de diabète et d’hypercholestérolémie a lui aussi été associé à la prise de contraceptifs hormonaux.
Des cycles optimaux pour une santé cardiaque optimale
Bien sûr, même si vous ne prenez pas de contraceptif, le fait en soi d’avoir des saignements gynécologiques réguliers n’est pas suffisant pour bénéficier des effets positifs de l’équilibre de vos hormones sur votre santé cardiovasculaire. De même que lors de notre discussion avec le Docteur Prior sur le liens entre santé du tissu osseux et ovulation, nous savons que des cycles optimaux, ovulatoires et fonctionnels sont nécessaires pour que notre corps puisse récolter les bienfaits de ces cycles menstruels. Les troubles hormonaux, qui correspondent en général à des cycles irréguliers, anovulatoires, insuffisants en progestérone et/ou en excès d’œstrogènes, peuvent altérer cet équilibre délicat, même si une femme n’est pas sous contraceptif.
Une nutrition adaptée et une activité physique régulière et modérée peuvent être très utiles pour équilibrer les hormones, mais elles ne sont pas les seules variables en jeu : parfois, une prise en charge plus médicalisée est nécessaire pour atteindre cet équilibre hormonal. C’est en cela que le tableau d’observations obtenu grâce à l’utilisation d’une Méthode scientifiques d’Observation du Cycle (MOC) peut représenter un outil essentiel pour l’évaluation de la santé d’une femme. Les professionnels de santé qui comprennent et savent utiliser les informations d’ordre biologique glanées dans un tableau d’observations sont à même de diagnostiquer et de traiter les troubles hormonaux pouvant affecter la santé de la femme : de sa fertilité, au fonctionnement de son système immunitaire, en passant par sa santé osseuse et cardiovasculaire, et tant d’autres aspects.
Que se passe-t-il au niveau de mon appareil cardiovasculaire si je suis enceinte ou si j’allaite ?
Bien évidemment, la grossesse est une période d’anovulation (c’est-à-dire une période où l’ovulation n’a pas lieu). Les femmes allaitantes peuvent elles aussi être en période d’infertilité pendant des semaines, des mois voire des années. Mais que vous soyez allaitante, enceinte, ou les deux, ces périodes sont les seules (à l’exception de la puberté et de la ménopause) où il est considéré comme biologiquement normal de se passer de la fluctuation de la progestérone et des œstrogènes qui entraînent le cycle régulier des ovulations et des menstruations. Et votre corps, malin comme il est, a une solution à cela ! La quantité impressionnante de progestérone et d’œstrogènes endogènes à laquelle une femme est exposée durant sa grossesse compense largement les effets de l’anovulation due à la grossesse ou à l’allaitement. De plus, la prolactine (la fameuse hormone de la lactation) a des effets indirects bénéfiques pour la santé cardiovasculaire de la jeune maman. La prolactine module les voies neuronales au niveau du cerveau pour diminuer le stress, ce qui diminue la production de cortisol. Et comme nous le savons tous, le cortisol est cette avide hormone du stress qui (lorsqu’elle est laissée en roue libre à cause d’un stress chronique ou de long-terme) peut vous dérober vos œstrogènes et votre progestérone, et augmenter votre risque de pathologie cardiovasculaire.
Il est vrai que la grossesse est une période complexe en terme de facteurs de risque pour les maladies cardiovasculaires, et le fait d’être enceinte avant l’âge de 20 ans semble accroître le risque de développer ce type de maladies. Mais voilà justement pourquoi il est bon de profiter de plusieurs années d’exposition protectrice aux hormones endogènes avant une première grossesse. Une raison de plus pour laquelle les adolescentes et les jeunes femmes ont besoin de leur cycle (régulier et fonctionnel) ! C’est aussi un autre argument de poids en faveur des MOC, qui permettent aux femmes de garder un cycle naturel (qu’elles essaient d’éviter une grossesse ou qu’elles essaient d’être enceinte).
Les femmes ont besoin de leur cycle
Si nous ne vous avons toujours pas convaincue de l’importance des règles (et surtout de l’ovulation) pour la santé de votre cœur, rappelez-vous que les maladies cardiovasculaires sont une des premières causes de mortalité pour les femmes en ménopause. Bien que des études supplémentaires soient nécessaires pour déterminer les effets exacts de la progestérone et des œstrogènes sur le cœur, les décennies d’exposition naturelle et cyclique aux hormones endogènes durant la vie reproductive d’une femme pourraient avoir des conséquences importantes sur son risque de développer une maladie cardiovasculaire. C’est certainement un élément à prendre en compte lors du choix de votre mode de gestion de la fertilité.
Plus nous en apprenons sur la santé féminine, plus nous découvrons de raisons pour lesquelles #lecyclemenstruelestindispensableauxfemmes. Une ovulation régulière et fonctionnelle est utile au développement et à l’entretien de votre système immunitaire, à la construction et à la protection de votre masse osseuse, et au fonctionnement et à la préservation de votre cœur. Bien qu’il soit parfois difficile de l’apprécier à sa juste valeur, il faut reconnaître que votre cycle rend vraiment service à votre santé.
Cassondra Moriarty, enseignante certifiée de la FEMM, Consultante en Lactation IBCLC
relu et corrigé par le docteur Lynn Keenan, MD
publié sur le site Natural Womanhood le 05/06/2020
traduit de l’anglais par Sophie Saab-Tsnobiladzé – association FOCUS Fertilité – pour l’association Natural Womanhood le 14/04/2022
Image d’illustration : Photo by Robina Weermeijer on Unsplash