A la suite de l’article de la semaine dernière Pourquoi le cycle menstruel est indispensable aux femmes 1/4 : son rôle dans le fonctionnement du système immunitaire , nous sommes très heureux de publier le deuxième article de cette série, issu du site de l’association américaine Natural Womanhood, naturalwomanhood.org en exclusivité et avec leur permission. Pourquoi le cycle menstruel est indispensable aux femmes : ses effets sur la santé et le développement des os.
Nous sommes heureux de vous retrouver pour notre deuxième épisode Pourquoi le cycle menstruel est indispensable aux femmes, une série d’articles abordant en profondeur quelques-unes des raisons pour lesquelles les femmes ont besoin de leur cycle menstruel pour rester en pleine santé. Cette semaine, nous allons parler de la santé et du développement des os.
Lorsqu’on parle du cycle ovulatoire et des menstruations, on ne pense pas forcément à la santé du squelette, n’est-ce pas ? Pourtant, d’importantes études réalisées au cours des dernières décennies, démontrent une corrélation entre la santé et le développement des os chez la femme et le cycle naturel de ses hormones reproductives. La protection de la santé actuelle et future de votre squelette constitue donc une raison supplémentaire d’apprécier votre cycle naturel, d’autant plus que cet aspect de la santé est particulièrement important pour les femmes. Encore une raison pour laquelle il « faut » que vous ayez vos règles !
Comment fonctionnent nos os
Nous considérons souvent notre squelette comme une structure figée, qui n’est là que pour nous permettre de nous tenir debout. Mais en fait, nos os sont loin d’être statiques : ils possèdent un cycle de vie, passant par différentes étapes : construction, destruction, renouvellement constant des tissus osseux. Un peu comme la construction de l’aéroport LaGuardia à New York…
Kimberly Reda-Wilson est stagiaire depuis quatre ans au programme « Bones For Life » (Des Os pour la Vie), un programme qui offre des cours destinés à « étudier l’intelligence du mouvement propre à la force des os et la position de mise en charge » en tant que mesure préventive contre l’ostéoporose. Voici ce qu’elle nous a expliqué : « Les os sont un tissu vivant. Ils sont parcourus par des vaisseaux sanguins, et sont composés de cellules vivantes, qui les aident à grandir et à se réparer. Ils sont tout aussi vivants que notre cœur, notre cerveau ou nos poumons. »
Les tissus osseux sont essentiellement constitués de deux types de cellules : les cellules qui construisent les os, et celles qui les détruisent. Les cellules qui construisent les os sont appelées ostéoblastes et ostéocytes. Celles qui détruisent les os portent le nom d’ostéoclastes. Les os contiennent aussi des sels minéraux, et des matrices de collagène non minérales ainsi que des protéines non collagènes, appelées ostéoïde. Plus vos os contiennent de minéraux, plus ils sont denses. Ce qui, vous l’avez deviné, est une bonne chose. Parce que plus vos os sont denses, moins vous risquez d’avoir des fractures. La diminution de la densité des os entraine l’ostéoporose, un syndrome par lequel les os deviennent dangereusement poreux et fragiles, ce qui augmente le risque de fracture.
Les hormones, le cycle et leurs effets sur la santé et le développement des os
Il est bien connu que les œstrogènes jouent un rôle important dans la formation des os. Les principaux effets physiologiques des œstrogènes sont d’encourager la croissance des os et d’empêcher leur résorption. Pendant des années, les scientifiques ont supposé que la perte osseuse après la ménopause était due à la chute du taux d’œstrogènes. Mais les œstrogènes ne sont pas les seules hormones qui manquent chez les femmes après la ménopause. Le taux de progestérone chute, lui aussi. Des études de plus en plus nombreuses indiquent que les os ont tout autant besoin de progestérone que d’œstrogènes.
En 2010, deux des plus grands spécialistes en hormones reproductives et la santé des os, les Dr Jerilynn Prior et Dr Vanadin Seifert-Klauss, co-écrivent un article, où il a été confirmé que « Des études sur les ostéoblastes humains en culture in vitro et des études prospectives concernant les femmes adolescentes, en pré-ménopause, en périménopause et en ménopause, indiquent que la progestérone – qui agit certainement sur le processus de la formation des os – joue un rôle crucial dans le maintien des tissus osseux des femmes et dans la prévention de l’ostéoporose. »
La Dr Jerilynn Prior est directrice du Centre pour la recherche sur le cycle menstruel et l’ovulation (CeMCOR) ; elle a consacré sa vie à l’étude et à l’enseignement de la relation entre progestérone et santé des os.
« Pour avoir des os en bonne santé, il faut ovuler, et il faut un cycle normal » m’a-t-elle confié lors d’une conférence en ligne. » Les femmes passent les 25 premières années de leur vie à bâtir leur masse osseuse. Si elles ovulent normalement, elles pourront conserver cette charpente osseuse tout au long de leur vie reproductive et même après. »
Cela signifie que la santé des os après la ménopause dépend de la production d’hormones au cours des décennies précédentes. Le Dr Prior explique : « L’histoire partout répandue raconte que la carence en œstrogène est la responsable de la perte de la masse osseuse pendant la ménopause. En fait, l’ostéoporose commence pendant la pré-ménopause, une longue période au cours de laquelle cette maladie silencieuse apparaît, s’il y a eu un désordre du cycle menstruel pendant les années de reproduction. » En d’autres termes, si l’ovulation ne se produit pas pendant les meilleures années reproductives, durant la jeunesse, la densité osseuse en souffrira fortement ; mais ces effets ne se feront ressentir qu’après la ménopause.
Comment protéger la santé des os chez les femmes durant la ménopause ? Voici comment le résume la Dr Prior : « Il faut investir dans la banque de masse osseuse au cours de ces années critiques. Et la seule manière de le faire est d’ovuler régulièrement. »
La progestérone : l’hormone de « soins et de réparations »
Tenant compte de ce que nous savons des effets des œstrogènes et de la progestérone dans le corps, le message de Dr Prior semble plutôt logique.
Nous savons que les œstrogènes et la progestérone ont des effets complémentaires sur notre santé générale et reproductive. Les œstrogènes favorisent la croissance de l’endomètre et des tissus mammaires, élèvent la glycémie, dilatent les vaisseaux sanguins, stimulent les cellules cérébrales, et donnent aux femmes un regain d’énergie et une sensation de bien-être. La progestérone, qui est l’alter ego des œstrogènes, maintient le tissu endométrial, relâche les vaisseaux sanguins, normalise la glycémie, entretient et soigne les cellules cérébrales, et favorise la stabilité du tempérament. Les deux hormones sont nécessaires. Pourrait-on imaginer un état de stimulation permanent, sans le bénéfice de la phase de « soins et réparations » ?
Il ne faut donc pas s’étonner qu’il en soit de même pour nos os. Dans cet article, le Dr Prior explique que « Lorsque les cycles menstruels ont une durée normale et que l’ovulation se passe normalement, œstrogènes et progestérone sont équilibrés et la densité minérale des os reste stable. Cependant, même dans les cycles cliniquement normaux, on observe souvent des dysfonctionnements ovulatoires (anovulation, phases lutéales courtes) ou de faibles taux de progestérone. Ces phénomènes se produisent plus souvent chez les femmes adolescentes et chez celles ayant l’âge de la préménopause, et deviennent plus fréquents en raison du stress quotidien produit par l’insuffisance énergétique, l’angoisse émotionnelle, sociale et économique ou la maladie. »
Le Dr Prior affirme que le principal facteur qui contribue aux dysfonctionnements ovulatoires de nos jours n’est nul autre que… le stress. « Dans les lieux de travail, on s’attend à ce que les femmes accomplissent le même travail que les hommes. Mais elles sont en plus responsables de toutes les tâches traditionnelles au foyer, sans compter sur un bon appui. De nos jours, les femmes supportent un lourd fardeau. » C’est vrai, dans ce monde accéléré, les femmes subissent une grande pression émotionnelle, sociale, culturelle, financière et physique. On pourrait même affirmer que les femmes n’atteignent pas le stade de « soins et réparations » ni sur le plan hormonal ni même dans leur vie de tous les jours.
Les hormones synthétiques ne sont pas créées de la même manière.
Vous vous dites peut-être : « Super. Je prends un contraceptif hormonal qui contient de la progestérone. Aucun danger pour mes os, alors ? » Malheureusement, vous avez tort.
La progestérone contenue dans les contraceptifs est une substance artificielle, connue sous le nom de progestatif. Il existe six différentes formes de progestatifs utilisées dans les contraceptifs hormonaux. Toutefois, avertit le Dr Prior, les progestatifs n’exercent pas le même effet positif que la progestérone naturelle ou bio-identique, sur notre santé osseuse (ni d’ailleurs sur notre santé en général) « Les progestatifs n’ont pas l’effet de la progestérone, dit le Dr. Prior, sauf en ce qui concerne les deux éléments qui composent leur nom. Le premier effet est de préserver une grossesse en cours ; l’autre est de transformer l’effet prolifératif de l’œstrogène sur l’endomètre en un effet sécréteur. Ce sont les seuls deux effets des progestatifs. »
Ainsi, les contraceptifs à base de progestatifs peuvent bloquer la partie du cerveau chargée d’enclencher un nouveau cycle menstruel (le même effet visant à préserver une grossesse en cours), mais sans avoir le moindre effet sur la conservation des os. En fait, elles pourraient même priver les os d’une occasion cruciale de renforcer leur densité minérale.
Les contraceptifs hormonaux nuisent-ils à la santé des os ?
Vous vous souvenez des dysfonctionnements ovulatoires dont le Dr Prior nous a parlé ? Il se trouve qu’un autre facteur très important de ces dysfonctionnements est l’emploi d’un contraceptif hormonal. Un tiers des femmes qui prennent la pilule contraceptive ne le font que pour des raisons gynécologiques, telles que des règles douloureuses ou irrégulières. Elles présentent souvent des symptômes évidents de dysfonctionnement ovulatoire, qui ne sont pas traités, parce qu’on préfère prescrire à ces femmes un contraceptif hormonal qui va masquer ce trouble, mais sans rien faire pour y remédier.
Lorsque j’ai demandé à Dr Prior si les contraceptifs hormonaux ont un effet sur la santé des os, elle s’est exclamée : « Bien sûr ! » Après tout, les contraceptifs hormonaux provoquent eux-mêmes un « dysfonctionnement ovulatoire », vu qu’ils empêchent la grossesse en bloquant l’ovulation. Le corps ne peut produire la progestérone s’il n’ovule pas : sans ovulation, pas de progestérone. Et, nous l’avons déjà dit, la progestérone (la vraie progestérone, pas les progestatifs de synthèse) est cruciale pour la santé et le développement des os.
Cela est particulièrement problématique pour la santé future des os des adolescentes et des jeunes femmes qui entament un traitement contraceptif. Comme les années d’adolescence sont décisives pour l’édification du squelette, il est encore plus important pour les jeunes filles d’avoir des cycles menstruels normaux, non perturbés par les hormones artificielles. « Il a été démontré que, chez les adolescentes, le recours à des contraceptifs hormonaux nuit considérablement à la formation de la colonne vertébrale. C’est une information que tout le monde devrait connaître. » La nocivité des progestatifs sur la santé osseuse des adolescentes a été confirmée lors d’une étude menée en 2001, qui s’intéressait aux effets du Depo-Provera. Le traitement au Depo-Provera, qui consiste à injecter une forte dose d’un progestatif, l’acétate de médroxyprogestérone tous les trois mois, est la méthode contraceptive hormonale qui porte la dose la plus élevée de progestatif. Et, comme cette étude le démontre, il provoque aussi une forte réduction de la densité minérale des os. Voilà une raison de plus pour que les femmes, surtout les jeunes filles, aient besoin d’une période post-ovulatoire régulière.
Les règles et la gestion du stress : la clé pour une bonne santé des os et la prévention de l’ostéoporose
Quelle conclusion peuvent tirer les femmes qui désirent renforcer au maximum la santé de leurs os, voire éviter l’ostéoporose ?
Le Dr Prior souligne que la péri ménopause et la ménopause (tout comme la perte de la densité osseuse qu’elles entraînent) font absolument partie de la vie. Si une femme a eu des règles normales tout au long de sa puberté et pendant les années suivantes, elle devrait être bien protégée pour résister à la perte naturelle de la densité osseuse qui se produit pendant ces années. Et, comme le rappelle le Dr Prior, même si les œstrogènes sont importants, la progestérone mérite, elle aussi, son quart d’heure de gloire. « Les modèles de lutte contre l’ostéoporose chez les femmes sont centrés sur les œstrogènes, et c’est tout à fait correct. Cependant, on réalise de plus en plus que la progestérone joue elle aussi un rôle important, aux côtés des œstrogènes ».
L’ouvrage Bones for Life ( Des Os pour la vie ) de Kimberly Reda-Wilson se concentre sur le thème des femmes post-ménopausées et sur ce qu’elles peuvent faire pour combattre l’ostéoporose au fil des années. « Tous les programmes de prévention de perte osseuse présentent des traits communs (régime, exercice et la gestion du stress), mais chacun semble mettre l’accent sur un facteur différent, explique Mme Reda-Wilson. Au départ, le programme Women to Women (aujourd’hui devenu le Women’s Health Network) mettait l’accent sur les régimes alcalins, l’exercice, les compléments et la gestion du stress. Le programme Save Our Bones insiste lui aussi sur le régime alcalin, l’exercice, les compléments et la gestion du stress ».
Voilà qu’il apparaît de nouveau… Le stress ! Mme Reda-Wilson, tout comme le Dr Prior, conviennent que la gestion du stress fait partie intégrante de la prévention de l’ostéoporose. Les femmes ne peuvent pas bien entendu, contrôler l’ensemble des facteurs de stress : bon nombre de ces facteurs sont d’ordre systémique, culturel ou politique. Mais une bonne gestion du stress est certainement un des premiers éléments que les prestataires de soins de santé devraient aborder avec leurs patientes. Si la femme réduit l’importance des facteurs de stress dans sa vie, minimise les dysfonctionnements ovulatoires et garde les cycles naturels, elle devra s’attendre à ce que la santé de ses os en bénéficie.
Voilà, on le sait maintenant. Le fait d’avoir les règles permet de renforcer le système immunitaire (comme nous en avons parlé la semaine dernière, ici), et fortifie la santé du squelette. Voilà deux excellentes raisons pour ne pas interrompre le cycle ! Toute femme a besoin d’ovuler et d’avoir ses règles, afin d’avoir une santé optimale. Ce qui est aussi l’intérêt des Méthodes d’Observation du Cycle (MOC) qui permettent aux femmes de continuer à avoir leur cycle naturel tout en planifiant leurs grossesses avec un taux d’efficacité supérieur à celui des contraceptifs, car il s’agit d’éviter les grossesses indésirables tout en protégeant leur santé.
Cassondra Moriarty, enseignante certifiée de la FEMM, Consultante en Lactation IBCLC
relu et corrigé par le docteur Craig Turczynski, Ph.D.
publié sur le site Natural Womanhood le 12/05/2020
traduit par l’association Natural Womanhood le 9/12/2021
Image d’illustration : source Natural Womanhood