Dans la continuité de la soirée FOCUS Sur … le cycle ovulatoire : ses bienfaits pour la santé des femmes, nous sommes très heureux aujourd’hui de publier un article de l’association américaine Natural Womanhood, naturalwomanhood.org en exclusivité et avec leur permission. Pourquoi le cycle menstruel est indispensable aux femmes : son rôle dans le fonctionnement du système immunitaire. Il est le premier article d’une série de quatre publiés dans les semaines à venir.
De nombreuses informations concernant les règles sont erronées. Ce sujet ainsi que les recherches le concernant ont longtemps été tabous. Ce n’est donc pas une surprise que l’on en sache si peu sur les menstruations et leur importance chez la femme. Certains prescripteurs de la contraception hormonale disent aux femmes qu’elles n’ont pas besoin d’avoir leurs règles, mais de plus en plus, les chercheurs s’aperçoivent que ce n’est tout simplement pas vrai. Bien que la science ne fasse qu’effleurer cet important sujet, il existe une multitude de raisons pour lesquelles le cycle naturel – c’est à dire, un cycle sans hormones artificielles – est nécessaire pour la santé et le bon état général des femmes. Cet article est le premier de notre série, Pourquoi le cycle menstruel est indispensable aux femmes, dans laquelle nous étudions certaines des raisons qui expliquent que les femmes ont réellement besoin du cycle ovulatoire pour une santé optimale. En premier lieu : le système immunitaire.
Les hormones reproductives féminines et leur rôle dans l’immunité
Un des plus grands mystères pour les immunologistes est la différence de la réponse immunitaire entre l’homme et la femme. On sait que les femmes réagissent aux infections, aux vaccins et aux traumatismes par une production accrue d’anticorps et par une réponse immunitaire à prédominance de lymphocytes T auxiliaires de type Th2, tandis que la réponse de type Th1 et l’inflammation sont habituellement plus fréquentes chez les hommes. Les lymphocytes Th1 et Th2 sont des sous- ensembles des lymphocytes T auxiliaires, responsables de la réponse du système immunitaire aux menaces potentielles. Les cytokines de type Th1 ont tendance à produire des réponses pro-inflammatoires et les cytokines de type Th2 émettent plutôt une réponse anti-inflammatoire. On peut en conclure que d’une manière ou d’une autre, les hormones sexuelles jouent un rôle dans le système immunitaire.
Au cours d’un cycle ovulatoire, les œstrogènes et la progestérone interagissent de façon cyclique. L’immunité semble suivre ce processus. Lors de la phase folliculaire (première moitié du cycle), les œstrogènes sont dominants. Étant donné que le mucus cervical, en phase oestrogénique, permet l’ouverture de l’appareil reproducteur aux spermatozoïdes (et donc à d’autres microbes extérieurs), le système immunitaire doit être en alerte pendant cette phase pour filtrer de possibles envahisseurs indésirables. Durant la phase lutéale (phase post-ovulatoire du cycle), la progestérone devient dominante. Pendant cette phase, sous influence de la progestérone, le mucus cervical isole le col de l’utérus (ainsi que l’ensemble de l’appareil reproducteur) et l’immunité est temporairement supprimée, ce qui permet à l’organisme d’accueillir une potentielle grossesse. La grossesse en définitive est une énigme immunitaire : dans toute autre situation, l’organisme s’attaquerait à l’arrivée d’une entité distincte. Grâce à la progestérone, le corps trouve une solution pour que le système immunitaire tolère l’embryon et que celui-ci s’implante dans le corps maternel. Sans quoi, un système immunitaire sain et fonctionnel est orienté presqu’entièrement vers la défense du corps contre tout ce qui lui est étranger.
Dans les maladies auto-immunes, le système immunitaire cesse d’attaquer les sources extérieures et s’attaque au corps lui-même. Citons en exemple la maladie de Crohn, la polyarthrite rhumatoïde, le lupus, le psoriasis et la thyroïdite d’Hashimoto. Or, quatre-vingt pour cent des personnes touchées par une maladie auto-immune sont des femmes. Ce n’est pas une coïncidence, et cela mérite d’être étudié plus attentivement.
Tout comme le système immunitaire fonctionne de façon cyclique chez les femmes en bonne santé, nombreuses sont celles qui, atteintes de maladies auto-immunes, remarquent également un profil cyclique de symptômes coïncidant avec leur cycle ovulatoire. Certaines observent par exemple une diminution des symptômes après l’ovulation, lorsque la progestérone est dominante, et leur augmentation juste avant les règles quand la progestérone chute brutalement. De même, durant la phase folliculaire (phase pré-ovulatoire) alors que les œstrogènes dominent le cycle, il peut se produire une augmentation des symptômes auto-immuns.
Le rôle du mucus cervical dans l’immunité
Le mucus cervical, parfois retrouvé sur les sous-vêtements – et sans lequel il n’y aurait pas d’humains sur cette Terre – n’est pas seulement un signe de fertilité : c’est aussi un élément vital de notre système immunitaire et riche en protéines immuno-régulatrices. Lors de la phase infertile du cycle de la femme, le mucus cervical, sous influence de la progestérone, occulte le col de l’utérus, empêche l’entrée de tous les agents pathogènes (dont le sperme) et lutte contre les infections. Lorsque la femme entre en phase fertile et approche de l’ovulation, le mucus cervical apporte un soutien nutritif aux spermatozoïdes et filtre ceux qui sont lents et mal formés.
Le col de l’utérus – qui est LE responsable de la production de mucus cervical – n’atteint sa pleine maturité qu’autour des 25 ans de la femme. Cela est du au rôle majeur joué par le cycle ovulatoire (à partir de la puberté) chez la femme dans la maturation du col de l’utérus. L’immunité cyclique et les fluctuations hormonales du cycle fertile permettent au col de l’utérus de suivre un développement épithélial approprié et de développer une résistance naturelle aux infections. Par conséquent, un col de l’utérus devenu mature sous l’effet de ces processus hormonaux naturels est très efficace pour combattre des infections comme le papillomavirus humain, également connu sous le nom de HPV.
Comment la contraception hormonale impacte-t-elle l’immunité ?
Maintenant que nous avons établi l’importance du cycle ovulatoire pour le développement et le fonctionnement de l’immunité, il devient évident que ce qui perturbe la fertilité peut avoir également un effet sur notre système immunitaire. La contraception hormonale vise à neutraliser les cycles à l’aide d’hormones de synthèse. Elle a donc logiquement un effet sur le système immunitaire et le microbiote intestinal. Par conséquent, elle peut également influencer le risque de contracter des maladies bactériennes et virales.
Une femme sous contraception hormonale ne bénéficie pas des effets cycliques de l’immunité en raison de l’effet de « nivellement » de la dose continue d’hormones de synthèse. Une femme prenant des contraceptifs hormonaux reçoit quotidiennement une légère dose de progestatifs (progestérone artificielle) et également, si elle prend une pilule oestro-progestative, de l’éthinyl-estradiol : cela entraîne un rétrocontrôle négatif sur l’hypophyse. Souvent on entend dire que la contraception hormonale fait croire à l’organisme que la femme est enceinte, mais ce n’est pas tout à fait exact. Il est plus précis de dire que la contraception hormonale fait croire à l’organisme que l’ovulation a déjà eu lieu. Or, les progestatifs n’ont pas les mêmes effets bénéfiques sur l’organisme que la progestérone naturelle, notamment la suppression immunitaire temporaire.
En outre, l’utilisation de contraceptifs hormonaux a été reliée à des modifications de la capacité fonctionnelle des cellules immunitaires dans les muqueuses génitales et à une altération des niveaux de cytokines, de chimiokines et d’éléments antiviraux dans le mucus cervical.
Un des effets de la contraception hormonale pour empêcher une grossesse consiste à modifier la structure du mucus cervical. Elle le rend inhospitalier pour les spermatozoïdes de façon continuelle (et non plus cyclique) mais modifie également la structure chimique, les cytokines et les propriétés immunologiques du mucus cervical. Lorsqu’une femme prend une contraception hormonale pendant une période prolongée, les cryptes cervicales qui produisent le liquide cervical se modifient et finissent par rétrécir (le clitoris rétrécit aussi !) puisqu’elles ne produisent plus de mucus cervical caractéristique d’un climat oestrogénique lié à l’activité ovarienne. Le fluide cervical n’étant pas seulement un signe de fertilité, mais aussi un élément vital de notre système immunitaire, ses modifications dûes à la contraception hormonale peuvent compromettre l’immunité d’une personne face aux infections reproductives et systémiques.
Enfin, vous souvenez-vous que l’immunité cyclique et les fluctuations hormonales du cycle fertile permettent au col de l’utérus de développer une résistance naturelle aux infections ? Rajoutons à cela qu’un autre effet peu connu de la contraception hormonale est l’accélération artificielle du processus de maturation des tissus épithéliaux, exposant les jeunes femmes à une susceptibilité accrue aux infections.
Avantages de la gestion naturelle de la fertilité dans le renforcement de l’immunité : comment le cycle ovulatoire pourrait protéger des conséquences graves du COVID-19
Il est clair que la contraception hormonale affecte le corps au-delà de la fonction reproductive. Son impact sur le système immunitaire des femmes est une raison supplémentaire pour que la promotion d’hormones régulières, saines et équilibrées soit la norme de référence en matière de soins gynécologiques. Les cycles menstruels ne se limitent pas à la reproduction, et c’est pourquoi l’utilisation de méthodes d’observation du cycle (MOC) ou de gestion naturelle de la fertilité – en permettant aux femmes de vivre avec leur cycle ovulatoire naturel – présentent des avantages qui vont au-delà de la planification familiale.
Une recherche récente a même mis en évidence que le cycle féminin pourrait avoir un effet protecteur face au COVID-19. Il est bien connu que les femmes jeunes ont tendance à mieux résister au COVID-19 que les hommes du même âge, les femmes dans leur ensemble ayant comparativement une mortalité et une morbidité plus faibles face à cette maladie. Mais les femmes ménopausées (donc qui n’ovulent plus) atteintes du COVID-19 ne sont pas plus résistantes que les hommes du même âge. Des recherches préliminaires suggèrent que les niveaux élevés d’œstradiol, (œstrogène naturel produit lors du processus ovulatoire), pourraient offrir aux jeunes femmes une protection face aux conséquences graves du COVID-19. Les chercheurs pensent que l’œstradiol pourrait jouer un rôle protecteur dans le COVID-19 car il est connu pour réguler les cytokines, protéines qui jouent un rôle important dans la fonction immunitaire. Les cas sévères de COVID-19 peuvent être compliqués par ce qu’on appelle l’orage cytokinique, une réaction immunitaire exacerbée, potentiellement mortelle. Comme le dit un article de la FEMM présentant cette recherche sur le rôle de l’œstradiol dans le COVID-19, « cette étude rappelle que la santé reproductive des femmes ne peut jamais être séparée de la santé et du bien-être global » .
La dynamique des cycles ovulatoires, sans influence d’hormones de synthèse, permet le développement des tissus de l’appareil reproducteur et la production de mucus cervical, ce qui rend l’organisme de la femme plus à même de combattre les infections et les inflammations. Par conséquent, la santé d’une femme est mieux desservie lorsque son corps peut ovuler puis avoir ses règles spontanément, et lorsque tout déficit hormonal a été traité par la médecine de restauration de la fertilité.
Cassondra Moriarty, enseignante certifiée de la FEMM, Consultante en Lactation IBCLC
relu et corrigé par le docteur Craig Turczynski, Ph.D.
publié sur le site Natural Womanhood le 30/04/2020, mis à jour le 10/08/2020
traduit de l’anglais par Lucie Espinasse – association FOCUS Fertilité – pour l’association Natural Womanhood
Image d’illustration : Photo by National Cancer Institute on Unsplash