Les Méthodes d’Observation du Cycle sont-elles fiables ?

par | 14 Mar 2022 | MOC, quelques chiffres

Le docteur Sophie Saab-Tsnobiladzé est médecin généraliste, formée en NaProTechnologie. Dans cet article, elle démontre, études scientifiques à l’appui, que les Méthodes d’Observation du Cycle (MOC) sont fiables. Après nous avoir expliqué en quoi elles se distinguent des « méthodes naturelles », elle nous présente les études montrant la fiabilité des MOC pour éviter une grossesse puis les études montrant la fiabilité de ces mêmes MOC pour favoriser une grossesse.

Toutes les « méthodes naturelles » de gestion de la fertilité ne sont pas les mêmes ! Il existe tout un ensemble de méthodes fondées sur une connaissance précise de la physiologie de l’ovulation et du cycle menstruel. Ces méthodes requièrent une observation et une interprétation quotidienne des biomarqueurs de fertilité de la femme (selon la méthode : mucus cervical, température basale, position du col utérin, taux hormonaux dans les urines), selon un protocole scientifiquement établi et validé. L’apprentissage de chaque méthode est effectué via une formation initiale et un suivi régulier avec une instructrice qualifiée. La femme sait ainsi, au jour le jour, si elle se situe dans une période de fertilité ou d’infertilité. Ce sont les Méthodes d’Observation du Cycle (MOC) ! Elles sont à la fois naturelles et scientifiques, à la fois non-invasives et fiables. 

NB : Les MOC ne sont pas les « méthodes naturelles » suivantes : méthode Ogino ou méthode du calendrier, applications de prédiction de l’ovulation sur smartphones, retrait, méthode des températures seules. Ces méthodes ont une fiabilité insuffisante, et elles sont clairement à déconseiller

Fiabilité des MOC pour éviter une grossesse

L’efficacité des MOC pour éviter une grossesse a été évaluée par de nombreuses études, dont certaines à haut niveau de preuve. 

Les Docteurs Manhart et Duane ont effectué une revue de la littérature scientifique sur ce sujet, publiée en 2013 (1). Cet article est disponible sur le site de FACTS, une association dédiée à l’information en langue anglaise des professionnels de santé sur les méthodes d’observation du cycle. FACTS a publié une brochure d’information sur ce sujet (2). Si vous lisez l’article des Docteurs Manhart et Duane : le « Creighton Model » est appelé « méthode FertilityCare » en France. 

Voici en tableau reprenant les résultats de plusieurs études sur la fiabilité des MOC. Nous pouvons comparer ces résultats à la fiabilité des contraceptifs usuels, telle que décrite par l’OMS (3).

Fiabilité des Méthodes d’Observation du Cycle (MOC) pour éviter une grossesse. Sophie Saab-Tsnobiladzé – Tous droits réservés.

Remarque

La plupart des études sur la fiabilité des MOC reposent sur le principe d’absence de contact génital du couple lors des jours de fertilité. Le retrait et les contraceptifs « barrière », comme le préservatif, ont une efficacité pratique relativement faible pour éviter une grossesse. Si un couple utilisant une MOC souhaite avoir un rapport sexuel lors d’un jour fertile alors qu’il ne souhaite pas concevoir, et qu’il utilise un préservatif ou une autre méthode contraceptive « barrière » ou le retrait, alors la fiabilité pour éviter une grossesse sera celle de la méthode la moins fiable, c’est à dire la méthode barrière ou le retrait, et non celle de la MOC.

Pour alimenter notre réflexion, voici quelques données issues d’une étude (4) publiée en France en 2010. Une grossesse sur 3 n’était pas planifiée (1 sur 2 chez les femmes de moins de 25 ans), alors que 9 Françaises sur 10 utilisaient une méthode contraceptive. Parmi les grossesses non prévues, 2 sur 3 survenaient chez des femmes utilisant une contraception. Cette année-là, 56% des femmes utilisant un moyen de contraception prenaient la pilule (83% chez les 20-24 ans). Parmi les femmes ayant eu une IVG en 2010, 23% prenaient la pilule.  

D’après différentes études, les MOC ont une fiabilité supérieure ou égale à celle des contraceptifs oraux et une fiabilité supérieure à celle du préservatif masculin pour éviter une grossesse. Les MOC peuvent donc être proposées par les professionnels de santé à leurs patients comme un moyen efficace d’éviter une grossesse.

Sources 

(1) Manhart, M.D., Duane, M., Linda, A., Sinai, I., Golden-Tevald J. Fertility awareness-based methods of family planning: A review of effectiveness for avoiding pregnancy using SORT, Osteopathic Family Physician, 2013, 5(1), 2-8. https://www.factsaboutfertility.org/wp-content/uploads/2013/07/2013-Manhart-et-al-Review-ofEffectiveness-Osteopathic-Family-Plysician.pdf 

(2) « A medical update » : brochure d’information sur les MOC, publiée par et pour les professionnels de santé. Disponible ici

(3) https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/family-planning-contraception

(4) Inpes (Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé, maintenant intégré à Santé Publique France) : « Baromètre santé 2010 », et « Les Essentiels de l’Inpes : la contraception, comment mieux la personnaliser » (2013). 

Fiabilité des MOC pour favoriser une grossesse

Les Méthodes d’observation du cycle présentent plusieurs avantages, notamment leur flexibilité et leur polyvalence. Ainsi, un même couple peut, d’un cycle à l’autre, décider d’utiliser la MOC pour éviter une grossesse puis pour favoriser une grossesse. Et ce, sans intervention médicale ou chirurgicale, sans devoir arrêter un médicament, sans avoir besoin d’informations particulières. Il suffit juste au couple de changer de mode d’utilisation de la méthode, en suivant des consignes différentes, mais qui lui ont déjà été expliquées. 

C’est pourquoi, chez FOCUS Fertilité, nous considérons que les MOC ne sont pas des « méthodes de contraception naturelle » ; elles représentent bien plus que cela. 

Lorsque nous parlons de fiabilité, il nous semble donc opportun de présenter aussi la fiabilité des différentes MOC pour aider les couples ayant un désir de grossesse à concevoir plus rapidement. « Pourquoi ? », nous direz-vous. « Tout le monde sait comment on fait les bébés ! » Et pourtant, ce sujet n’a rien d’une plaisanterie. Une idée reçue (trop) bien installée dans les mentalités dit qu' »une femme peut tomber enceinte à tout moment de son cycle ». Faux ! Il est temps de contrer ce mythe. La fertilité d’un homme est globalement linéaire : sa fertilité ne fluctue pas d’un jour à l’autre ; un homme ayant une fertilité normale sera fertile « tous les jours » en théorie. Il n’en est pas de même pour une femme. Une femme ayant une fertilité normale n’est en réalité fertile que pendant six jours par cycle. Cette période de quelques jours, seule période pendant laquelle une conception est possible, est appelée « fenêtre de fertilité ». Du fait de cette différence dans le fonctionnement de l’appareil reproducteur de l’homme et de la femme, la fenêtre de fertilité de la femme est donc la fenêtre de fertilité du couple. Si ce sujet vous intéresse, vous en saurez plus en parcourant le site de notre association : www.focusfertilite.fr !

Attention

Remarque n°1 : il est impossible de prévoir la date de l’ovulation, et donc celle de la période de fertilité (voilà pourquoi la méthode Ogino, ou méthode du calendrier, n’est pas fiable) ! L’ovulation n’a pas forcément lieu à J14 du cycle. Mais, bonne nouvelle : si elle ne se prévoit pas, la période de fertilité s’observe ! C’est tout l’enjeu des Méthodes d’Observation du Cycle : apprendre à la femme et à son conjoint à observer les biomarqueurs de fertilité de la femme, et donc à identifier la fenêtre de fertilité du couple. 

Remarque n°2 : une femme peut observer plus de six jours « fertiles » par cycle ! Des biomarqueurs de fertilité peuvent être présents bien avant la date d’ovulation, ce qui peut rallonger une phase observée comme  » fertile  » . Cette subtilité illustre l’importance du rôle des instructeurs certifiés par chaque MOC : ils permettent aux couples d’améliorer encore la précision de leur interprétation de fertilité au jour le jour. L’observation du cycle ne s’improvise pas : elle doit être accompagnée par des professionnels ! 

Revenons à l’utilité des MOC pour les couples ayant un  projet de grossesse. L’étude de l’INED publiée en 2010 (1), citée dans le tableau ci-dessous, indique qu’en l’absence de connaissance de la période de fertilité, il faut en moyenne 7 mois à un couple pour concevoir un enfant. Ce chiffre étonne souvent : on imagine que les couples conçoivent en général dès les premiers cycles d’  » essai bébé  » . Mais d’autres éléments complètent ce constat.

L’infertilité est définie par l’absence de grossesse chez un couple ayant des rapports sexuels réguliers sans contraceptifs depuis au moins 12 mois. Notre époque a pour caractéristique un taux d’infertilité en forte augmentation. La Société Française d’Endocrinologie (SFE) évoquait en 2010 le taux d’un couple sur sept en situation d’infertilité. L’INSERM, fin 2021, avançait un taux d’un couple sur quatre (2) ! L’institut qualifie également l’infertilité d’  » enjeu important de santé publique  » . De nombreuses études, notamment en France (3), (4) ou aux Etats-Unis (5) mettent en évidence une méconnaissance majeure des femmes et des couples au sujet du cycle ovulatoire et de la fertilité (impact de l’âge, des IST, de l’état de santé générale et gynécologique sur la fertilité, fonctionnement du cycle menstruel, fenêtre de fertilité…). De plus, une étude australienne de 2013 (6) montre que seules 12,7% des femmes suivies en PMA interrogées savaient identifier correctement leur fenêtre de fertilité. L’étude suivante menée par les mêmes auteurs en 2015 (7), conduite parmi les femmes consultant en médecine générale (donc avant d’être suivies en PMA), montrait que seules 2,1% d’entre elles identifiaient correctement leur fenêtre de fertilité ! Ces données laissent transparaître des situations d’  » hypofertilité  » en fait liées au manque de connaissance sur la fertilité.  

Le tableau ci-dessous illustre l’importance des Méthodes d’observation du cycle pour les couples souhaitant concevoir. Cela semble logique, puisque le principe de ces méthodes est l’identification précise, au quotidien, des jours de fertilité du couple. L’utilisation d’une MOC peut donc aider les couples (ayant une fertilité normale) à concevoir plus tôt que les couples n’ayant aucune connaissance sur les biomarqueurs de fertilité. 

Fiabilité des Méthodes d’Observation du Cycle (MOC) pour favoriser une grossesse. Rapports sexuels ciblés sur la période de fertilité, couples à fertilité normale. Sophie Saab-Tsnobiladzé – Tous droits réservés.

L’information des femmes et des couples sur la fertilité représente un défi majeur. C’est une des raisons d’être de l’association FOCUS Fertilité. Si vous partagez ce point de vue, rejoignez-nous

Sources

(1) https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/248/delai_conception_2010.fr.pdf

(2) https://presse.inserm.fr/en/un-recours-aux-traitements-de-linfertilite-de-plus-en-plus-tardif/41957/

(3) Etude menée en 2009 par le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français: http://www.cngof.fr/images/cngof/presse/091126_fertilite_doss_presse.pdf 

(4) Etude menée en 2018 par l’IFOP pour le compte de Fitbit: https://www.topsante.com/medecine/gyneco/regles-douloureuses/le-cycle-menstruel-un-mystere-pour-44-des-francaises-630204 

(5) Lundsberg LS, Pal L, Gariepy AM, Xu X, Chu MC, Illuzzi JL. Knowledge, attitudes, and practices regarding conception and fertility: a population-based survey among reproductive-age United States women. Fertil Steril. 2014 Mar;101(3):767-74. https://www.fertstert.org/article/S0015-0282%2813%2903425-0/fulltext 

(6) Hampton KD, Mazza D, Newton JM. Fertility-awareness knowledge, attitudes, and practices of women seeking fertility assistance. J Adv Nurs. 2013 May;69(5):1076-84. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22764878/ 

(7) Hampton K, Mazza D. Fertility-awareness knowledge, attitudes and practices of women attending general practice. Aust Fam Physician. 2015;44(11):840-5. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26590626/ 

Docteur Sophie Saab-Tsnobiladzé,

médecin généraliste, formée à la NaProTechnologie.

Image d’illustration : Photo by Yente Van Eynde on Unsplash